|  1970     Mercredi  14 janvier - Dans un café d'angle de l'avenue de Tilsitt, un ancien élève du lycée  Méliès s'avance vers moi, jovial, tout en me rappelant que j'avais apostrophé  un de ses condisciples en lui demandant s'il travaillait selon les prévisions  de quelque “plan quinquennal”. Grimoire, clerc de notaire, rue Villaret de  Joyeuse, ahane sur sa capacité en droit, en serrant de près sur la banquette  une brunette et une blondette aux yeux rieurs (entre 2 filles, prenez celle qui  a les yeux les plus malicieux, conseillait déjà Shakespeare).     Mardi 20  janvier - A Lille, deux lycéens (16 et 18 ans) se suicident par le feu contre  les injustices du monde invivable qui est le nôtre. Les familles n'y  comprennent rien. Au lycée Goellon-les-Sartines, drapeaux noirs, drapeaux  rouges, barricades dans les couloirs et le “cassez tout” traditionnel. Le  ministre de l'Instruction Publique se déclare “bouleversé”. " Que faire,  Docteur ? ", demande le rédacteur en chef d'une radio périphérique : " éviter  la réaction en chaîne, réduire cela à un cas pathologique, éviter la publicité  ... Troubles instinctifs et affectifs de base que les parents dissimulent. Le  suicide est une lâcheté. Ne pas le présenter comme un acte héroïque. C'est une  lâcheté. " - " Merci, Docteur ! ", comme dirait le brave Maréchal Rommel.     Vendredi 23 janvier - A 14 h 30,  j'accompagne Villebroquin jusqu'au bougnat de presque en face pour le  traditionnel café. La jeune femme qui nous sert (la trente-cinq-tantaine  environ) est la fille des patrons. Elle a fait les Arts Déco mais vit entre  papa et maman - très avares - qui ne veulent pas lui payer une chambre en  ville. Elle s'étiole sous les yeux apitoyés de Villebroquin qui voudrait  tellement faire quelque chose pour elle et l'on n'est pas sans savoir que  Villebroquin est un joli morceau de chair. |