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 1966 Lundi 28 janvier — Madame Cinto, de blanc bottée, explique comment son mari (42 ans) vient de se faire opérer des végétations : douloureux mais efficace ! Lorsque Madame Cinto descend de voiture, elle claque la portière à toute volée. C'est dans un taxi de Mexico que je lisais : « montrez votre éducation en fermant la portière doucement ». Mme Cinto a épousé un lecteur d'italien qu'elle a rencontré dans un lycée du Midi. Elle a passé une agrégation de sciences physiques, s'est acheté un appartement à Moncriq, un poste de télévision, élève ses deux enfants et, le dimanche, va voir ses parents à L'Etang-la-Ville. Son époux, grand, fort, orgueilleux, donnerait — selon Mlle Ignès — facilement du poing à qui roucoulerait sérénade à Madame Cinto. Mardi 29 janvier — Hier soir, Madame Lucinde me demande une place d'automobile jusqu'au métro. Elle souhaite se faire inscrire sur la liste d'attribution des HLM à Moncriq. Décemment, je lui propose de l'attendre. Au bout de quelques longues minutes, elle revient en courant, grande et svelte, puis dans cette soirée d'hiver qui tombe, elle avance de confidence en confidence. Ce sont les beaux-parents qui ne la comprennent pas et chez qui elle vit. Le beau-père qui la comprend trop et la poursuit de ses avances ; il est pourtant remarié et sa nouvelle femme aussi. Et, comme je la dépose, elle ajoute que sa belle-mère lui a conseillé de tromper son mari ... Mercredi 30 janvier — La nouvelle Directrice mijote un savant découpage hebdomadaire en tabliers bleus et tabliers roses, pour les filles uniquement. Monsieur Le Dauphin me dit entre deux portes qu'elle viserait Sèvres ... « C'est la même ligne de métro ! », en arrive à conclure Monsieur Le Dauphin. Mercredi 13 février — D'après Saint-Laurent, Orgon préparerait une nouvelle édition du Misanthrope, à l'usage des classes du secondaire. Saint-Laurent, en conversation avec la mère d'un élève de troisième, jolie, distinguée, s'étonne de voir que M. Orgon, planté devant l'armoire et à portée d'oreille, ne bouge pas d'un pouce pendant les dix minutes que dure l'entretien. Au départ de la dame, comme Saint-Laurent sourit, Orgon s'incline : « j'admire le tact avec lequel vous avez conduit cette conversation ». Mercredi 27 février — Mlle de Grisi confesse qu'elle fait 65 heures par semaine entre la classe et les préparations à la classe et qu'elle travaille comme un nègre : « n'était-elle pas en poste en Afrique ? », souligne Saint-Laurent. Mr Orgon maugrée contre la campagne des environs de Paris. Où sont les parties de pêche d'antan dans la périphérie de la Ville Rose du côté de Pinsaguel (pesca la sófio é lé barbel), sur le grand air de Faust ? « Les autoroutes d'Autriche ... », enchaîne-t-il, avant de se plaindre d'avoir à expliquer du José-Maria de Heredia de 16 h 30 à 17 h 30. Mme Latouche, qui louche, chaussée de godillots paysantesques, l'épouse d'un sous-officier de carrière, cherche à se joindre à la conversation. Elle habite Brie-Comte-Robert mais ne peut s'éloigner le dimanche à cause de son bébé de deux ans. Madame Cinto est furieuse : 10 élèves de Terminale manquent à l'appel because une composition de mathématiques dans l'après-midi. Madame Le Globe, qui enseigne la géographie, a été terrassée par une sale crise de paludisme, maladie contractée à Maripasoula. Saint-Laurent, qui lui aussi a “fait” la Guyane, la reconduit chez elle en voiture. Monsieur Orgon, qui prend de ses nouvelles, s'apitoie aussitôt sur cette maladie qu'il “aurait pu” (subjonctif hypothétique ?) attraper à ses débuts en Tunisie. |
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