|  Ma petite raisonneuse, Aux origines, l’homme  engage, contre la nature, le combat pour la vie. Il est nu et faible. (Je vois  vos jolies lèvres esquisser ici une moue.) Armes d’attaque aux armes de  défense, en tout il est mal partagé. Il n’est capable ni de disparaître dans  les eaux ni de s’enfoncer dans la terre, ni de s’élancer dans les airs.  Sensible aux intempéries, il ne sait pas se protéger du froid, du vent, de la  pluie avant toutefois que de réussir à gagner l‘antre apaisant des cavernes  d’Ariège ou d‘ailleurs. Il supporte mal la disette; son enfance est longue et,  dans l’âge mûr, sa constitution extraordinaire l’expose sans cesse et fait, de  l’un des sexes du moins, un éternel malade; imaginatif, nerveux, inquiet, il  peuple la terre et les cieux de fantômes terribles et malfaisants; il ne sait  du monde que ce qu‘il en faut pour en sentir le mystère. La vie lui est une  hallucination constante et la mort une perpétuelle terreur.
 Malgré tout, l’humanité a  survécu. Le triste anthropopithèque a évolué lentement jusqu’à devenir l’homme  civilisé. Il a battu ses concurrents, les espèces colossales et féroces qui lui  disputaient le limon primitif. Il achève maintenant la destruction des lourds  pachydermes et des grands fauves ; il les poursuit dans leurs dernières  retraites. Le globe lui appartient tout entier.
 
 La raison décisive de cette  victoire désespérée, c’est sans doute l’autorité que l‘homme a prise sur  lui-même d’imposer à ses muscles l’endurance et à ses nerfs la hardiesse. Ne  pas trembler et tenir le coup tout est là. Il ne s’agit que de discipline.  C’est notre raison d’être de rester, notre réponse à Darwin, le bien-pensant.
                                                                                                                                      Votre  mainteneur d’espèce |