Roméo et Juliette 95 ou les nouveaux théâtreux
Au Royal Court Theatre de Londres, le joyeux Daily Mail signale qu'on donne un dégoûtant festoiement d'immondices, c'est-à-dire une pièce d'une certaine Sarah K. (23 ans) qui fait partie de la troupe des jeunes suffragettes de la littérature contemporaine, c'est-à-dire de celles qui mentionnent le nom des femmes de ménage dans le programme de la représentation.
Les protagonistes arrivent dans leur chambre d'hôtel, quelque part dans le nord de l'Angleterre, chambre qui ne semble pas provoquer l'enthousiasme du héros qui prétend avoir déféqué en meilleurs lieux, avant de vider le minibar et de prendre un bain, nu, et de demander à l'héroïne de le boire. Elle refuse. Il essaie de lui faire l'amour. Elle refuse. Le héros se plaint que son sexe lui fait mal : elle s'apitoie.
Le héros découvre une bouteille et s'enivre un tantinet davantage. L'héroïne s'endort puis se réveille. Le héros la viole. Elle a l'ivresse et elle mord le flacon : le héros pousse un cri. On frappe à la porte : entre un soldat, fusil à la main, qui cherche l'héroïne qui vient de s'enfuir par la fenêtre. Le soldat se satisfait du héros à qui il arrache les yeux avant de les mâchonner. Le soldat s'endort. L'héroïne revient avec un bébé, qui meurt. Elle l'enfouit sous le plancher et s'en va. Le héros se sent une petite faim, il exhume le bébé et le mange. L'héroïne revient avec une bouteille de gin : on voit du sang qui lui coule le long des jambes, ce qui prouve qu'elle a été de nouveau violée. Elle s'asseoit sur le lit, s'enveloppe dans l'édredon et suce son pouce. Le héros lui dit merci.
Le critique conclut qu'on ne peut détacher les yeux de la scène tant les fauteuils sont durs et empêchent ainsi de s'y endormir ; les lecteurs du sévère Guardian prétendent, eux, qu'il faut voir là la métaphore de l'indifférence du public à l'égard des malheurs de la Bosnie-Herzégovine — Rideau.
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