|      Dimanche  2 mars - A la télévision, Pierrot le Pressard se présente comme le self-made  man qui a réussi. Il ridiculise le père X, son ancien instituteur à qui il a  fait faire longuement antichambre dans les bureaux de son “canard” sans lui  accorder l'audience que le modeste régent avait pourtant humblement sollicitée.  Las d'attendre, le pauvre régent s'en était allé en maugréant : " quand je  pense qu'il me doit tout ! ". Et le Directeur de “canard” de s'esclaffer en évoquant  ces propos. Un autre milliardaire, Directeur de T.S.F., lui, en revanche,  reconnaissait hautement qu'il devait tout à son instituteur Périgourdin.     Pierrot  le Pressard ressemble à un crapaud à qui l'on aurait greffé le visage de  Frankenstein. Comme ombre de mélancolie semble traîner dans les pupilles de sa  Sud-Africaine d'épouse. Sur le trajet Chantilly/Paris, on voit Pierrot  téléphonant, Pierrot regardant la télévision, Pierrot ergotant, Pierrot se  pavanant et Pierrot jubilant jusqu'aux bureaux de son torche-fesses pour  familles hexagonales sous-prolétarisées. Me viennent à l'esprit les vers  pseudo-latins qui nous aidaient en classe, au lycée Febus, à apprendre le  subjonctif-conditionnel hypothétique :Aspice  Pierrot pendu !
 Si  Pierrot non voluisset
 Pierrot  pendu non fuisset !
     5 mars -  Rendez-vous avec un journaliste de l'agence France-Presse à New-York qui estime  qu'il faut botter le c ... à tous ces merdeux ; il cite l'exemple des flics  américains à Berkeley avant d'avouer que l'Amérique a eu bien peur à l'annonce  d'un possible gouvernement Waldeck-Rochet à Paris.     15 mars  - Sur un des murs de la gare du Petit Train (Auteuil/Pont Cardinet), une heure  avant que le soleil adoré ait traversé la vitre d'or de l'orient, on lit cet  encouragement à bien faire : " cours, connard, ton patron t'attend ! "     19 mars  - Angle Haussmann/Provence. Un regard me prend en plein travers comme lame sur  les sabords. " J'étais au lycée de M., vous pas vous rappeler ? ". Si, moi me  rappeler sa sœur Françoise, dix-sept/dix-huit ans, le visage long et maigre,  les cheveux lisses sur des épaules fluettes, refusant tout manger, anorexie,  hospitalisée Institution Esquirol, établissement dont directeur décoré avoir  fils chez moi, vendant Cause le Peuple et ravitaillant Citron-Citroën. Cancre  officiel d'après camarades, bon exposé en classe chez moi, documenté et tout,  et tout. Directeur offrir stylo à moi pour Noël et remercier moi, beaucoup,  beaucoup. Moi, également, merci beaucoup, merci stylo, merci, merci beaucoup.Puis moi me rappeler le frère, là,  devant moi, étonné, yeux fixes, sérieux, gentil, fond de classe Troisième. " Je  suis dans hôpital psychiatrique ", qu'il m'annonce fièrement. Moi : " Etudiant  ? ". Lui : " Non, non, malade, traitement ". Moi : " Curieux, curieux ! ". Lui  rigoler franchement et balancer serviette à partitions. Moi me rappeler grand'  Tante de sa sœur, artiste russe, et lui demander : " vous aimer la musique ? ".  Lui : " Oui, oui, formel, préparer lycée La Fontaine, puisque débarrassé de  l'armée après convocation pour tests ". Moi : " Ah ? ". Lui : " Le galonné de les  parcourir et de s'enquérir : tout va bien ? ". Lui : " Heu, heu ! ". Le  galonné, brusquement : " Quel âge que t'as ? ". Lui, véridique : " 20 ans ". Le  galonné : " Engendré par le fils de ton grand-père, hein ? ". Puis, brutal : "  T'as déjà couché avec une fille ? ". Lui, véridique : " Non, pas encore ! ". Le  galonné : " Alors, t'as des petites manies ? ". Lui, véridique : " Oui, j'ai  des petites manies ! ". Le galonné, brutalissime : " Ah ! ah ! Je m'en doutais,  je voyais bien que t'étais pas normal ! ". |